Banlieues : qui sont les jeunes en colère ?
LEMONDE.FR | 04.11.05 | 11h56 . Mis à jour le 04.11.05 | 19h04
L'intégralité du débat avec L'intégralité du débat avec Eric Marlière, sociologue, chercheur au Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales). Eric Marlière est notamment l'auteur de "Jeunes en cité, diversité des trajectoires ou destin commun ?" (L'Harmattan, 2005).
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Nina : A votre avis, qu'est-ce qui rend les jeunes si révoltés ?
Eric Marlière : A mon sens, c'est plutôt un sentiment d'injustice et d'inégalité qui, suite à un incident, peut passer à des relents de colère et de révolte. La violence gratuite n'existe pas. Elle fait suite parfois à des violences symboliques telles que les discriminations, l'exclusion sociale qui peuvent s'illustrer dans les banlieues défavorisées.
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François : Pourquoi cette violence touche-t-elle seulement les jeunes ?
Mat : Dans quelle tranche d'âge se situent ces "jeunes" ? Leur organisation en bande est-elle occasionnelle ? Bref, qui commande dans tout ça, car j'imagine qu'harceler la police sans égratignure suppose une organisation.
Eric Marlière : Je ne peux pas parler de concertation entre ces jeunes. Ce qui reviendrait à renforcer une vision paranoïaque de nos cités. En revanche, dans mes travaux, j'ai pu constater chez les jeunes de cités - quelles que soient les trajectoires, aussi bien les diplômés que les salariés, mais encore les "galériens" et les délinquants - l'existence d'un sentiment de destin commun. A travers! leur image médiatique, mais aussi leur traitement institutionnel, que ce soit sur le marché du travail ou à l'école. Même parmi ceux qui ont réussi.
La plupart de la jeunesse, qu'elle soit des cités, de milieux populaires en général, ou même des classes moyennes, depuis une quinzaine d'années, subit une phase de dépression économique, qui fait qu'elle ne connaît pas le même destin que la jeunesse des "trente glorieuses". Ce qui fait que pour beaucoup de ces jeunes, une frustration grandit entre le niveau de vie désiré et le niveau de vie qu'ils ont actuellement lorsqu'ils comparent les trajectoires sociales et économiques, parfois miraculeuses, de leurs parents ou de leurs aînés.
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Gimli007 : Pourquoi ces jeunes agissent-ils chez eux en détruisant leur environnement direct et pas à l'extérieur des banlieues ?
Eric Marlière : Les jeunes qui investissent régulièrement l'espace résidentiel ont fait de ce territoire leur espace. Et parfois, ils se trouvent pris dans cet espace, dans lequel ils peuvent circuler. Par ailleurs, les autres espaces publics leur sont plus ou moins fermés.
Ce qui fait qu'ils se retrouvent à la fois propriétaires symboliques de cet espace, mais en même temps prisonniers. Et cet espace, finalement, est non seulement un lieu de sociabilité commun, mais aussi un espace où ils peuvent faire toutes sortes d'activités, dont celle, médiatique actuellement, de vandalisme.
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Mahmoud : N'y a-t-il pas une incompréhension des politiques sur les conditions de vie de ces jeunes ?
Eric Marlière : Le tout répressif n'est pas une solution et, depuis quelques années, les différents dispositifs de prévention ont été amputés d'un grand nombre de leurs budgets. Maintenant, que ce soit de gauche ou de droite, on voit très bien depuis plus de vingt ans que les élus n'ont pas su répondre aux attentes des populations précarisées par le libéralisme, la compétition et la mise en concurrence des individus. Il n'est pas étonnant de voir en 2005 que ces révoltes soient la manifestation de vingt-cinq ans d'échecs des politiques, et plus particulièrement des politiques de la ville.
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Chulo32 : J'habite une cité et je trouve que les adultes (les parents) y sont totalement absents. Le rôle de la société ne serait-il pas d'inciter les adultes à remplir leur fonction de parent ?
Eric Marlière : C'est une très vaste question, ma! is, une fois de plus, il me paraît difficile de condamner des ! parents soumis parfois à la précarité ou assommés par des horaires de travail très lourds et surtout peu rémunérés. Bien entendu, il existe des éducations parentales à géométrie variable, mais les institutions ne sont pas toujours bien plus performantes, malheureusement.
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